Mardi 12 juin 2018

La réponse de la société civile suite à la déclaration signée par les Ministres de la santé des pays d'Afrique Francophone le 22 mai 2018

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Objet : Déclaration soumise à la signature des Ministres de la santé des pays d’Afrique francophones lors de la conférence internationale sur l’accès à des médicaments de qualité et autres produits médicaux le 22 mai 2018 à Genève.

C.C : Le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation Mondiale de la santé (OMS).

Cher Monsieur Michel Sidibé, Chère Madame Michaëlle Jean,

 

Nous vous écrivons pour exprimer notre profonde inquiétude concernant la déclaration susmentionnée. Si la déclaration touche à un sujet important pour l’ensemble des acteurs de la santé, elle l’appréhende sous un angle purement juridique et pénal sans aucune approche de santé publique.

 

En effet, le texte de la déclaration ne propose pas de s’attaquer aux racines ni même aux causes de la circulation des médicaments falsifiés ou de qualités douteuses. Il ne présente pas non plus concrètement la manière de garantir la disponibilité et l'accessibilité des médicaments, si ce n'est une brève référence aux flexibilités de l'Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, le texte de la déclaration appelle à une ratification d’instruments existants comme par exemple la convention Medicrime, alors qu’à notre connaissance ces instruments n’ont jamais été développés en partenariat avec les pays francophones, et ne prennent donc pas en compte leurs besoins ou leurs intérêts. En outre, ces instruments n’ont aucune approche de santé publique pour répondre au problème des médicaments falsifiés ou de qualités douteuses, au manque d’accès aux médicaments et aux produits médicaux, soit parce qu’ils sont inabordables, soit parce que les systèmes de santé ne sont pas assez forts pour assurer leur disponibilité alors que la demande augmente.

 

Nous sommes préoccupés par la confusion créée dans cette déclaration qui pourrait entraver l’accès aux médicaments génériques abordables et de qualité égale, car les médicaments falsifiés et de qualités douteuses n’ont rien à voir avec les discussions sur la propriété intellectuelle et l’Accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touche au commerce (ADPIC).

 

L’engagement demandé aux pays francophones d’adopter dans une seconde phase une convention régionale sous l’égide de l’Union Africaine et d’un instrument international dans le cadre des Nations Unies nous semble inutile. En effet l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dispose déjà d'un mécanisme de lutte contre les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés1 et de collecte de données. Par conséquent, il nous semble plus judicieux de renforcer ces mécanismes existants afin d’éviter de dupliquer les efforts et tout amalgame dans ce domaine.

 

En Afrique, et en particulier dans l’espace francophone, il existe déjà de nombreuses résolution sur ce sujet : (la résolution de Niger de 2013 sur les faux médicaments, la résolution de l’OOAS d’avril 2017 sur les faux médicaments et les médicaments périmés, la résolution de Rabat de mars 2018 sur les faux médicaments et désormais la déclaration de Genève de mai 2018 sur l’accès aux médicaments de qualité²). Nous nous posons légitimement des questions sur les intentions portées à travers ces résolutions lorsque plus de la moitié des résolutions adoptées par les pays africains se sont produites dans le cadre d’une conférence soutenue par la Fondation Chirac dont nous savons qu’elle est financée par l’industrie pharmaceutique (notamment Sanofi).

Compte tenu des informations mentionnées plus haut, cet appel à la ratification de ces instruments et à l’adoption de conventions régionales et internationales crée de la confusion et apparait plus comme une barrière à l’accès aux médicaments génériques comme cela s’est produit lors du débat sur les médicaments « contrefaits » il y a quelques années 3.

La confusion du texte de la déclaration porte également sur l’invitation des Ministres de la santé d’Afrique francophone à assurer « un environnement politique, juridique, économique et commercial conforme aux règles internationales et favorable aux investissements, conformément aux recommandations de la CNUDCI2, de la CNUCED, de l’OMPI et d’autres institutions internationales, régionales et sous régionales ; ainsi qu’à l’Accord de l’OMC sur les ADPIC, en particulier ses flexibilités, et des Accords de Promotion et de Protection des Investissements (APPI) en ce qui concerne la détermination de la portée et de la couverture des investissements ». Ces instruments ne sont pas pertinents pour juguler la circulation de médicaments falsifiés et de mauvaise qualité. Par ailleurs, leur mise en oeuvre excède le mandat des Ministres de la santé.

Les exigences du texte de cette déclaration dépassent les prérogatives des Ministres de la santé de l’Afrique francophone rendant la signature de celle-ci caduque et sans aucune portée juridique.

 

S’il est indéniable que les médicaments falsifiés et les médicaments de qualité douteuse constituent une vraie plaie pour l’Afrique, les mesures prises dans cette déclaration nous apparaissent obsolètes parce qu’elles ne créent pas le cadre multidisciplinaire nécessaire à la lutte contre les médicaments de qualité douteuse, comme par exemple l’inclusion de la société civile et des associations de malades dans le processus de cette lutte.

Par conséquent, nous demandons au Programme commun des Nations Unies sur le VIH /sida (ONUSIDA) et à l’Organisation Internationale de la Francophonie un amendement de ce texte en retirant toutes les parties qui ne sont pas alignées avec la décision de l’OMS et qui crée la confusion, ainsi que de cesser toute poursuite de discussion sur ce texte.

 

1 WHO, A study on the public health and socioeconomical impact“ http://www.who.int/medicines/regulation/ssffc/publications/Layout-SEstudy-WEB.pdf

2 ECOWAS Resolves to Fight Counterfeit, Expired Medicines

https://www.liberianobserver.com/news/ecowas-resolves-to-fight-counterfeit-expired-medicines/

Africa: African countries sign resolution against falsified medicines in Rabat

https://www.iracm.com/en/2018/03/africa-african-countries-sign-resolution-falsified-medicines-rabat/ 3Lien vers le reportage d’ARTE diffusé le 20 mars 2018 : « Interpol, une police sous influence ? » : https://youtube/9j9Ioscipxc?t=37m37s

 

Signataires :

Access, France

Affirmative action, Cameroun

Aides, France

AJPC (Association des jeunes positifs du Congo), Rép. Congo

AJPO (Association des Jeunes pour la Promotion des Orphelins), Burkina Faso

ALCS (Association de lutte contre le sida), Maroc

ARV+ (Association sociale rêve de vivre), Algérie

ATP+ (Association tunisienne pour la prévention positive), Tunisie

CEJ (Centre pour l'Ethique Judiciaire), Burkina Faso

CeRADIS (Centre de Réflexions et d’Actions pour le Développement Intégré et la Solidarité), Bénin

Coalition Plus (Coalition internationale sida)

ITPC-MENA (Coalition internationale pour la préparation aux traitements Afrique Nord et Moyen Orient), MENA

MARSA sexual health, Liban

Médecins Sans Frontières - Access Campaign

OSDAD FASO, Burkina Faso

Sidaction, France

Serment Universel, Rép. Congo

UAEM (Universités alliées pour les médicaments essentiels)

UJAB (Union des jeunes avocats du Burkina), Burkina Faso

Vivre et s’épanouir, Mauritanie

Yolse, Santé Publique et Innovation, Genève

 
Mardi 12 juin 2018
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