Engagées depuis plus d’un an dans le
suivi de cet énième projet de loi « asile
et immigration », nos organisations
redoutaient fortement l’examen de ce texte par le Sénat. Alors que nous avions
compris depuis longtemps que ce
texte n’avait plus de prise avec la réalité du fait migratoire et des
conditions de vie des personnes
exilées dans notre pays, un nouveau pallier de la déraison a été franchi lors
de l’examen par le Sénat.
La majorité à la chambre haute a déposé et adopté un grand
nombre d’amendements, tous plus répressifs les uns que les autres, tout en
multipliant les outrances et propos stigmatisants à l’égard des personnes
migrantes. Aucune mesure pouvant « rendre la vie impossible » aux personnes
exilées n’a été épargnée, conformément aux ambitions de longue date du ministre
de l'Intérieur.
La suppression de l’aide médicale
d’Etat (AME), l'une des maigres aides sociales à laquelle les personnes « sans-papiers » ont droit, en est bien
sûr un des exemples les plus aberrants et consternants. Mais l’exclusion des personnes sans titre de séjour du droit
à l’hébergement d’urgence et du droit à la réduction tarifaire des transports est tout aussi brutale. Bien
d’autres barrières rendant plus difficiles l’accès à un séjour digne dans notre pays ont été méticuleusement
édifiées : attaques contre le droit à la vie familiale via le regroupement, la réunification ou les titres de séjour pour
ce motif ; contrôle accru de l’immigration étudiante ; nouveaux motifs pour refuser ou retirer un titre de
séjour ; instauration de quotas migratoires ; rétablissement du délit de « séjour irrégulier ». Même chose pour
le passage à cinq ans de résidence stable et régulière pour l’obtention de prestations sociales, qui ne fera que
freiner l’insertion, en particulier des familles et des femmes.
La droite sénatoriale, avec le soutien des centristes, a
augmenté de manière draconienne les exigences pour accéder au séjour et à la nationalité
: niveau de maîtrise de la langue française accru, « assimilation à la
communauté française », respect des principes
de la République, limitation des renouvellements de carte de séjour temporaire, etc. Même les
arguments les plus utilitaristes, tels que les besoins de main d’œuvre
dans les métiers dits en tension, n’auront
pas suffi à faire flancher leurs positions.
Leur acharnement, ainsi que celui du gouvernement, a été
sans pareil concernant l’enfermement et l’expulsion des personnes exilées, pourtant déjà largement facilités par le
projet de loi initial. L'intervention du juge des libertés et de la détention a ainsi été reculée de deux à quatre
jours en rétention, permettant dès lors l’expulsion de personnes
sans une décision judiciaire sur la légalité de l'interpellation et le
respect des droits. Le texte a sanctuarisé "la double peine", poursuivi le travail de mise à mal des catégories protégées contre les mesures
d'expulsion et est même allé jusqu'à
mettre fin aux protections contre les obligations de quitter le territoire
français. Les demandeurs
d’asile pourront eux aussi se retrouver en rétention avant l’enregistrement de
leur demande selon ce texte. Malgré une minorité parlementaire
soucieuse du respect de la dignité des personnes exilées dans notre pays, l’examen du Sénat a fait sauter des digues
que nous pensions jusque-là infranchissables. Loin d’empêcher ce défouloir répressif, le gouvernement l’a
tantôt encouragé en déposant lui-même certains amendements déshumanisants, tantôt laissé faire par
des mal-nommés avis de « sagesse »
qui ont permis un déferlement de restrictions des droits existants.
Nos associations, collectifs et syndicats ne peuvent se
résoudre à ce qu’une partie de la représentation nationale se prête à un acharnement aussi déraisonné que
dangereux pour les personnes exilées. Face aux
fantasmes auxquels une majorité de sénateurs et sénatrices a donné libre
cours, nous appelons les citoyens et citoyennes
à se mobiliser et les député·es à un sursaut de lucidité pour que le seul cap à
tenir soit celui de l’humanité, de la dignité et de l’égalité des droits.
Organisations signataires
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Anafé, ANVITA,
ARDHIS, CCFD-Terre Solidaire, Centre Primo Levi, Cimade, CRID, Collectif
des travailleurs sans-papiers de Vitry-sur-Seine (CTSPV 94), Dom'asile,
Droit à l'école, Emmaüs France, FASTI, Fédération de l'Entraide Protestante
(FEP), Forim, Groupe Accueil et Solidarité (GAS), Gisti, Humanity Diaspo,
J'accueille Singa, JRS-France, Ligue de l'Enseignement, LDH, Médecins du
Monde (MDM), Observatoire international des prisons - section française
(OIP-SF), Pantin Solidaire, Paris d'Exil, RESF93, Secours Catholique
Caristas France, Sidaction, SINGA, Solidarité Asie France, Thot, Tous
migrants, Union des Étudiants Exilés, Union syndicale Solidaires, UniR,
Utopia56.
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